C’est un peu une victoire du « pot de terre associatif contre le pot de fer des services d’Etat ». Et c’est même bien sans doute pour avoir péché par excès de confiance et négligé la ténacité de citoyens de base, que des bataillons de techniciens, élus et décideurs des services publics, devront revoir leur copie. L’arrêté du préfet de région du 28 septembre 2012 établissant le schéma régional d’équipement éolien d’Ile-de-France a été annulé par le tribunal administratif de Paris. La décision transmise le 13 novembre souligne un « vice de procédure substantiel » car le préfet de région n’a pas fait procéder à une évaluation environnementale préalable en conformité avec le code de l’environnement et des textes européens transposés. Et l’affaire n’est pas mineure puisqu’il s’agissait, sur des zones susceptibles d’être exploitées de 648 communes, d’envisager un potentiel de 100 à 180 mâts d’éoliennes industrielles pour une production de 200 à 540 mégawatts. La Région est très en retard sur le plan prévu, avec seulement une vingtaine de mégawatts installés.
A l’origine de la procédure on trouve des petites associations : ADERE d’Egreville, Vent de Colère en Visandre, Vent de Force 77, rejointes par d’autres, et notamment avec l’appui de la Fédération environnement durable.
Avant de passer aux instances juridiques, (et 17 000 € de frais de procès, c’est lourd) les associations avaient mené leur action de protestation et de sensibilisation du public tant sur la protection de l’environnement et des sites que sur les montages financiers contestés dans leur méthode et leurs équilibres réels à long terme.
Du côté d’Egreville le projet de parc éolien avait été abandonné, face aux résistances locales, mais le président de l’ADERE, Charles-Henri Saïller, a poursuivi son combat pour le principe et la précaution d’avenir : « L’intérêt de cette décision est d’attester que l’éolien industriel a bien une incidence sur l’environnement ». Du côté de la Visandre, à Pécy, le projet éolien avait aussi été mis en attente par les opérateurs. Le site est passé d’une intercommunalité à l’autre et les nouveaux élus ne basent plus le développement local sur l’éolien. Pour la présidente associative locale, Zuina Anstett, la contestation mérite aussi d’être poursuivie, et elle était de ceux qui ont fait avorter un colloque sur les énergies nouvelles lors du Salon national des maires : « Sous prétexte de transition énergétique, les procédures sont accélérées et simplifiées, enlevant la parole aux citoyens riverains. De plus la taxe additionnelle sur les factures EDF va passer de 13 % à 100 %. Le lobby de l’éolien est puissant, et l’Etat ne joue plus son rôle d’arbitre ».
En Seine-et-Marne reste un projet du côté de Saacy-sur-Marne. Et surtout dans l’extrême sud. Les travaux de câblages et terrassement d’un parc d’une douzaine d’éoliennes ont débuté à Mondreville, Gironville et Sceaux-du-Gâtinais. Et à Arville, où, les travaux sont démarrés pour 6 éoliennes, la colère de la maire Anne Thibault, n’est pas du même ordre : « Après plus de 10 ans de procédures, nous avons tout fait dans les règles de ce qui était demandé par les pouvoirs publics, les opposants ont pu s’exprimer, les élus municipaux sont toujours favorables au projet et nous avons les permis de construire. Les travaux sont programmés. S’il faut tout arrêter aujourd’hui, c’est lamentable. » Pour la commune de 136 habitants, les 90 000 € attendus en redevance, n'ont heureusement pas encore été inscrits en recettes du budget.
Dans l’attente, reste à confirmer si la décision du tribunal est suspensive pour les travaux en cours. La ministre de l’Environnement a jusqu’à la fin de l’année pour remettre ses textes en conformité, Et chacun est certain que les services de l’Etat n’en resteront pas là, et feront appel. Le vent va encore tourner.
Didier BARRY